Le pâturage hivernal : lubie ou réelle opportunité ?

vaches qui pâturent devant une montagne enneigée

Les changements climatiques des dernières années modifient les périodes de disponibilités des pâturages pour les animaux. La sécheresse stoppe la pousse de l’herbe de plus en plus tôt au printemps et les canicules estivales retardent les repousses automnales. Tout cela oblige les éleveurs à puiser dans leurs stocks de fourrage beaucoup plus vite et sur des périodes plus longues.

Il est alors légitime de se poser la question de la mise à disposition de l’herbe lorsqu’elle est naturellement présente dans les champs. C’est dans ce contexte que trois fermes expérimentales ont participé à des essais de pâturage hivernal : Trévarez dans le Finistère, la Blanche Maison dans la Manche et Thorigné d’Anjou dans le Maine-et-Loire.

Des résultats positifs pour la qualité du fourrage et pour l’élevage bovin

Les premiers résultats de ces études (présentés au SPACE 2023), viennent d’être rendus public et il faut reconnaitre qu’ils répondent plutôt favorablement aux attentes. Les essais ont été menés au cours des hiver 2021/2022 et 2022/2023, hivers à la pluviométrie inférieure puis supérieure à la norme. Malgré ces conditions climatiques totalement différentes, le bilan des deux années est positif. Les résultats pour l’hiver 2023/2024, très largement excédentaires en pluviométrie dans au moins deux des trois stations expérimentales, permettront de compléter les premières observations.

Sur les 3 stations, la qualité des fourrages observée était très bonne avec des valeurs alimentaires comprises entre 16 et 21% de MAT et environ 0.9 UFL. En parallèle, les mesures de croissance réalisées sur les bovins n’ont pas fait ressortir de différence significative, par rapport aux animaux élevés en bâtiment. Les bovins menés en pâturage ont présenté des gains moyens quotidiens (GMQ) tout à fait satisfaisant et proche des GMQ des animaux élevés en stabulation.

Une bonne gestion du piétinement

Une des principales inquiétudes autour du pâturage hivernal repose sur la dégradation des sols des parcelles concernées. Selon la pluviométrie, la portance peut se trouver fortement impactée. Les études ont permis de mettre en avant les aspects plus techniques engendrés par le pâturage en hiver :

  • Gestion du piétinement : nécessité de déplacer régulièrement les râteliers pour éviter un piétinement trop important autour de celui-ci
  • Gestion de la dégradation des sols :  surveillance accrue de l’état des chemins d’accès aux champs, qui peuvent s’abimer plus rapidement en conditions humides
  • Gestion du troupeau :
    • Bien positionner les abreuvoirs, hors des zones naturellement plus humides
    • Limiter le temps de sortie quotidienne des animaux dans les périodes les plus humides
    • Changer régulièrement les bovins de paddocks.
  • Limiter le chargement à l’hectare sur des périodes longues

La bonne application de ces règles permet de limiter fortement les impacts du pâturage sur le piétinement et sur la souillure globale des parcelles.

Des économies visibles

La mise à l’herbe hivernale présente des avantages évidents d’économies à réaliser sur les coûts alimentaires et de gestion du troupeau :

  • Moins de stocks de fourrages
  • Moins de concentrés
  • Moins de paille

Ces économies se mesurent également sur le temps de travail autour des bêtes élevées en bâtiment. Le gain de temps se constate sur les différents postes de travail :

  • Moins de temps à la distribution des rations
  • Moins de temps au paillage
  • Moins de temps au raclage et à l’épandage du fumier

Ces observations doivent toutefois être nuancées par une diminution des quantités de fumier disponibles et par le temps de travail nécessaire à la mise à l’herbe et à la surveillance des animaux (clôtures à faire, déplacement pour surveiller les bêtes, changement de paddocks réguliers…). Le temps réel de travail ne se trouvent donc pas autant réduit que cela, mais il s’organise autour de tâches différentes et dépend beaucoup du système d’élevage en place.

Le pâturage hivernal, est-ce possible avec tous les bovins ?

Les études réalisées ont principalement été faites avec des animaux en phase de croissance : génisses ou bœufs. Seul un lot de bœufs normands plus âgés et ayant des besoins énergétiques plus importants, a nécessité des apports de fourrages complémentaires.

Le système offre donc de réelles opportunités d’utilisation et de mise en valeur des herbages en hiver pour les animaux plus jeunes et avec des besoins alimentaires moins importants. Il est adapté et adaptable à tous les systèmes selon les conditions pédoclimatiques de l’hiver et les volontés de l’éleveur. Les bonnes valeurs nutritives de l’herbe sur l’hiver permettent également d’envisager la mise en place du pâturage hivernal dans les élevages laitiers bio.

Des reprises post hivernales simplifiées

La mise à l’herbe hivernale permet de faciliter le retour au printemps autant pour les animaux que pour les terrains. Il n’a en effet pas été constaté d’effet délétère du pâturage sur les parcelles concernées et les repousses post pâturage n’ont pas démontré de dégradation de la qualité de l’herbe. Les valeurs nutritives semblent même être plus avantageuses. Seul un léger retard sur la reprise de la pousse a été constatée mais sa durée reste minime. Le pâturage hivernal permet d’effectuer un déprimage précoce sur les parcelles présentant des fortes densités d’herbe en début d’hiver.

Concernant les animaux, le maintien d’apports d’herbe fraiche dans les rations pendant tout l’hiver, permet de supprimer les phases de transition alimentaires parfois difficiles à gérer.

Les observations et mesures réalisées au cours de ces études démontrent des résultats très satisfaisants et encourageants. La mise en place de pâturage hivernal offre de belles opportunités et solutions pour les éleveurs. L’utilisation de cette ressource en fourrage sur les périodes où elle est naturellement disponible, semble donc être une réponse largement envisageable pour faire face aux changements climatiques.